L’innovation routière ne faiblit pas

Success way

« Le contexte est favorable à l’innovation routière, a rappelé Yves Salaün, directeur adjoint de la DIR Ouest, lors des Journées techniques Route  : compétitivité des entreprises, évolution du cadre de la maîtrise d’ouvrage, partenariat d’innovation présenté dans la directive européenne en préparation sur l’achat public, enjeux en matière d’économie et d’emploi, effet boosteur de la transition énergétique, etc. ».

Trois freins, 21 propositions - De nombreux dispositifs opérationnels de soutien à l’innovation routière existent aujourd’hui, plus ou moins visibles. Le groupe de travail constitué de l’Idrrim, de maîtres d’ouvrage, d’entreprises et d’organismes de formation et d’ingénierie les a recensés dans un rapport sorti en octobre 2013, de l’amont jusqu’à la valorisation, en passant par les chantiers expérimentaux.

Les entreprises pointent particulièrement le crédit impôt recherche (CIR), les appels à projets. Les maîtres d’ouvrage apprécient eux la charte de l’innovation routière, la convention d’engagement volontaire pour des infrastructures durables (2009) ou le comité de l’innovation ‘Routes et rues’ (appels à projets de l’ex-Setra).

Le groupe a relevé trois freins : la commande publique en baisse, la prise en charge du risque et la communication sur les retours d’expérience. Fort de ce constat, il a élaboré 21 propositions parmi lesquelles Yves Salaün a souligné les suivantes :

  • élargir les champs thématiques et augmenter les possibilités d’innovations plus significatives, « avec notamment les systèmes de transport intelligents, des appels à contribution non prévus » ;
  • réserver un budget à l’innovation chez tous les maîtres d’ouvrage publics, « à l’image des agences fédérales qui aux Etats-Unis réservent à des PME innovantes 2,5 % de leur budget » ;
  • organiser des actions de formation encourageant l’innovation.

H2020 pour la multimodalité… - Au niveau européen, Sylvie Proeschl, directrice adjointe de la direction des affaires européennes et internationales de l’Ifsttar, a décrit le 8ème Programme-cadre pour la recherche et le développement technologique (PCRD), baptisé Horizon 2020 et doté de 71 milliards d’euros). H2020 a trois piliers : excellence scientifique (recherche fondamentale, actions Marie Curie, technologie de rupture future), primauté industrielle (projets collaboratifs d’industriels notamment sur les TIC, nanotechnologies, matériaux avancés ou l’espace ; accès aux financements à risque) et défis de société (projets collaboratifs dans les transports, l’énergie, le climat, la sécurité, etc).

Sylvie Proeschl a montré une rupture avec les appels du 7ème PCRD : « H2020 défend la multimodalité et une approche intégrée. Il faut répondre au défi posé, intégrer les sciences humaines dans tous les projets – exemple : quels avantages sociaux, pour les femmes, à la rénovation d’un pont ? -, proposer des méthodes d’innovation prêtes pour la mise en marché et collaborer pour ce faire avec les entreprises ».

A partir du 18 mars prochain, aux appels à projet en une étape s’ajouteront d’autres en deux temps : proposition allégée (excellence, impact) et complète (avec en plus la mise en œuvre).

…Infravation pour la route - Quant à Infravation (An infrastructure innovation programme), doté de 9 millions d’euros, il est porté par un consortium d’administrations nationales (Era-net) et a pour but une meilleure coordination entre appels à projets de recherche des différents pays européens. Il s’agit d’éviter des doublons. Ce seront des petits projets de 0,5 à 2 millions chacun sur trois ans maximum, axés sur la chaussée et soumis en deux étapes – comme pour H2020  – et qui devront relever plusieurs défis identifiés  : durabilité, entretien neutre pour l’usager, recyclage, changements climatiques, etc. Lancement le 1er mars 2014.

Enfin, Véronique Cerezo, directrice adjointe de l’Ifsttar, a présenté le programme Rosanne 2013-2016 (2,4 M €), développé dans le cadre du 7ème PCRD. Rosanne pour « Rolling resistance, skid resistance, and noise emission measurement standards for road surfaces » : il s’agit d’harmoniser les méthodes de mesure d’adhérence, de bruit et de résistance au roulement pour disposer d’une échelle commune. Parmi les partenaires, citons l’Austrian Institute of Technology (coordinateur), l’Ifsttar et plusieurs European Research Areas (ERA) français (Lyon, Strasbourg). A noter que les pistes du site de l’Ifsttar à Nantes serviraient de lieu de référence. L’innovation est en route.

Ecolabel : vers une méthode européenne de labellisation des routes ?

Le projet de recherche européen Ecolabel 2013-2016 est développé dans le cadre du 7ème PCRD ; il est doté  de 2,6 M €. Il nécessitera l’équivalent de 400 hommes-mois au sein d’un consortium européen où Ifsttar est présent. « Les objectifs sont très ambitieux, précise Véronique Cerezo, directrice adjointe de l’Ifsttar. Après un état de l’art, il s’agit élaborer une méthodologie de labellisation des produits et projets routiers, définir des indicateurs de développement durable et obtenir ainsi un outil, un guide et une mise en œuvre ».

Mohamed Bouteldja, de la direction territoriale Centre-Est du Cerema, propose une méthodologie de classement à partir de l’échelle (locale à internationale), du domaine (technique, environnemental, social et économique) et de la phase du cycle de vie (planification, conception, usage et maintenance), pour aboutir à une labellisation en deux étapes : du projet (de l’idée à la construction) au produit (mise en service, évaluation, usage et maintenance).

Projet vert et produit rouge - S’en est suivi une discussion avec la salle sur la pertinence de ces deux phases : « Le risque, c’est d’avoir un projet vert et un produit rouge ou l’inverse, je préfèrerais une vision globale », a indiqué le consultant Daniel Puiatti. Une labellisation possible en trois phases (conception, construction et exploitation) a aussi été évoquée. Véronique Cerezo s’est interrogée sur la prise en compte ou non du temps et de l’évolution des performances techniques par le label.

Selon Agnès Jullien, directrice du laboratoire Environnement, aménagement, sécurité et éco-conception de l’Ifsttar, il y aurait bien une déclinaison par pays du label : « Autant on peut avoir des indicateurs communs sur l’environnement, mais pas sur la sécurité ». D’autres participants ont cité la variabilité des contraintes juridiques, bancaires, ou même l’absence de mesures de certains indicateurs dans certains pays… Ce que Patrick Lerat, responsable R&D innovation à Vinci Concessions avait illustré en montrant la recherche de la valeur actuelle nette d’un projet, avec des exigences de performances de plus en plus nombreuses : techniques, mais aussi pour l’utilisateur final (sécurité et confort) et le territoire (impacts économiques, environnementaux, fiscaux, etc).

Il reste trois ans pour faire d’Ecolabel un label utile et non une usine à gaz.

   

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